Par Jean-Max LLORCA le 27/05/2018
En décembre 2017, la Dares publiait une enquête « Conditions de travail », avec des résultats en demi-teinte. Les contraintes de rythme de travail se stabilisent et certaines contraintes psychosociales sont en baisse. Mais l’autonomie des salariés continue de reculer. Et les contraintes physiques restent élevés. Faut-il s’inquiéter ? Bien sûr !
Le bien-être psychologique en question
On parle de plus en plus de ces risques psycho-sociologiques (Lien article Souffrance au travail : les symptômes qui doivent alerter), ces fameux RPS, peu reconnus par les employeurs. Mais quelles sont les conditions de travail qui jouent le plus sur l’augmentation ou la baisse de ces risques ? Et quels métiers sont le plus touchés par un mal-être en sensible augmentation ?
L’enquête Conditions de travail-Risques psychosociaux de 2016 (CT-RPS 2016) était assez positive sur ce point. Plus d’un tiers des actifs considèrent que le travail favorise le développement des capacités et du bien-être. Les plus épanouis sont les plus diplômés, mais aussi quelques professions moins qualifiées comme les assistantes maternelles, les coiffeurs ou les employés de maison, précise l’enquête.
Le plus touchés par une augmentation de la souffrance au travail sont les secteurs peu ou moyennement qualifiés et/ou très sollicités : caissières, cuisiniers, infirmières, aides-soignantes, ouvriers des industries ou de la métallurgie, employés de banques, etc. Ici, un actif sur dix environ dit se trouver dans une situation de travail à risque pour son bien-être psychologique, avec un cumul d’expositions de tous ordres : physiques, organisationnelles et psychosociales. C’est grave !
Contraintes horaires et charge mentale
Cette analyse de la Dares (http://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2017-082v3.pdf) est venue enrichir de nouvelles informations sur les conditions de travail des français.
Les contraintes de rythme de travail et les contraintes physiques, même si elles se stabilisent en 2016, restent à des niveaux élevés. Donc, la situation reste grave. Si le travail dans l’urgence continue d’augmenter (pour les femmes dans l’administratif), la pression temporelle ressentie reste forte pour 45% des salariés, lesquels disent devoir se dépêcher « toujours ou souvent ».
L’intensité du travail s’accompagne d’une charge mentale significative. En 2016, 44% des salariés déclarent « devoir penser à trop de choses à la fois » contre 49% en 2013. Cela s’observe pour toutes les catégories socioprofessionnelles, particulièrement pour les ouvriers qualifiés, les professions intermédiaires et les cadres.
Des supérieurs qui gagnent en bienveillance ?
Si la pression temporelle reste très présente, tout comme les contraintes de vigilance, ces contraintes seraient mieux comprises et les salariés mieux soutenus. Les supérieurs hiérarchiques auraient-ils gagné en bienveillance ?
N’allons pas jusque-là ! Mais même si le nombre d’ordres contradictoires tend à se multiplier, les entretiens d’évaluation avec des critères précis et mesurables subissent une hausse.
Ainsi, 66,3% des salariés déclarent pouvoir être aidés par un supérieur hiérarchique en cas de complication dans une tâche à réaliser, une statistique qui grimpe à 80,1% lorsque c’est avec un collègue. L’aide du collectif est donc bien présente.
Enfin, une véritable diminution des comportements hostiles vis à vis des salariés a été constatée par la Dares. Malheureusement, ces derniers se concentrent toujours sur les femmes et les contrats plus précaires.
Des salariés de moins en moins autonomes
Oui, les conditions de travail s’améliorent un peu grâce à une diminution des risques extérieurs et c’est tant mieux ! Mais tout cela semble se fait au détriment de la liberté et de l’autonomie du salarié.
L’étude de la Dares établit en effet qu’avec un accroissement des normes (de sécurité comme de production) et la montée des standards souvent imposés, l’autonomie et les marges de manœuvre des salariés pour atteindre les objectifs tendent à se réduire sérieusement depuis 1998.
« Les salariés sont de moins en moins nombreux à choisir eux-mêmes la façon d’atteindre les objectifs fixés et à ne pas avoir de délais ou à pouvoir faire varier les délais fixés » selon l’étude. Alors que l’on ne cesse de parler de robotisation et d’automatisation des tâches, 43% des salariés déclarent répéter continuellement une même série de gestes ou d’opérations. Presque un salarié sur deux, cette statistique est en forte hausse depuis 2005 où elle n’était que de 27%.
Il convient donc de rester à l’écoute des salariés. « Le travail devient plus exigeant, il demande plus de vigilance et est plus morcelé », indique Maryline Becque, coauteur de l’étude. « La tendance lourde est à la standardisation des tâches, y compris celles des cadres ».
Ces données et tendance doivent être prise en compte par les CHSCT/CSE, régulièrement, et mettre en place des observatoire locaux, dans les entreprises, de ces caractéristiques particulière d’évolution des conditions de travail. A travers cette démarche, le CHSCT/CSE doit concourir à améliorer les conditions de travail, à prévenir les risques professionnels, à protéger la santé des salariés.