Les conditions de travail continuent à se détériorer en France

En décembre 2017, la Dares publiait une enquête « Conditions de travail », avec des résultats en demi-teinte. Les contraintes de rythme de travail se stabilisent et certaines contraintes psychosociales sont en baisse. Mais l’autonomie des salariés continue de reculer. Et les contraintes physiques restent élevés. Faut-il s’inquiéter ? Bien sûr !

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Le bien-être psychologique en question

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On parle de plus en plus de ces risques psycho-sociologiques (Lien article Souffrance au travail : les symptômes qui doivent alerter), ces fameux RPS, peu  reconnus par les employeurs. Mais quelles sont les conditions de travail qui jouent le plus sur l’augmentation ou la baisse de ces risques ? Et quels métiers sont le plus touchés par un mal-être en sensible augmentation ?

L’enquête Conditions de travail-Risques psychosociaux de 2016 (CT-RPS 2016) était assez positive sur ce point. Plus d’un tiers des actifs considèrent que le travail favorise le développement des capacités et du bien-être. Les plus épanouis sont les plus diplômés, mais aussi quelques professions moins qualifiées comme les assistantes maternelles, les coiffeurs ou les employés de maison, précise l’enquête.

Le plus touchés par une augmentation de la souffrance au travail sont les secteurs peu ou moyennement qualifiés et/ou très sollicités : caissières, cuisiniers, infirmières, aides-soignantes, ouvriers des industries ou de la métallurgie, employés de banques, etc. Ici, un actif sur dix environ dit se trouver dans une situation de travail à risque pour son bien-être psychologique, avec un cumul d’expositions de tous ordres : physiques, organisationnelles et psychosociales. C’est grave !

Contraintes horaires et charge mentale

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Cette analyse de la Dares (http://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2017-082v3.pdf) est venue enrichir de nouvelles informations sur les conditions de travail des français.

Les contraintes de rythme de travail et les contraintes physiques, même si elles se stabilisent en 2016, restent à des niveaux élevés. Donc, la situation reste grave. Si le travail dans l’urgence continue d’augmenter (pour les femmes dans l’administratif), la pression temporelle ressentie reste forte pour 45% des salariés, lesquels disent devoir se dépêcher « toujours ou souvent ».

L’intensité du travail s’accompagne d’une charge mentale significative. En 2016, 44% des salariés déclarent « devoir penser à trop de choses à la fois » contre 49% en 2013. Cela s’observe pour toutes les catégories socioprofessionnelles, particulièrement pour les ouvriers qualifiés, les professions intermédiaires et les cadres.

 

Des supérieurs qui gagnent en bienveillance ?

Si la pression temporelle reste très présente, tout comme les contraintes de vigilance, ces contraintes seraient mieux comprises et les salariés mieux soutenus. Les supérieurs hiérarchiques auraient-ils gagné en bienveillance ?

N’allons pas jusque-là ! Mais même si le nombre d’ordres contradictoires tend à se multiplier, les entretiens d’évaluation avec des critères précis et mesurables subissent une hausse.

Ainsi, 66,3% des salariés déclarent pouvoir être aidés par un supérieur hiérarchique en cas de complication dans une tâche à réaliser, une statistique qui grimpe à 80,1% lorsque c’est avec un collègue. L’aide du collectif est donc bien présente.

Enfin, une véritable diminution des comportements hostiles vis à vis des salariés a été constatée par la Dares. Malheureusement, ces derniers se concentrent toujours sur les femmes et les contrats plus précaires.

Des salariés de moins en moins autonomes

Oui, les conditions de travail s’améliorent un peu grâce à une diminution des risques extérieurs et c’est tant mieux ! Mais tout cela semble se fait au détriment de la liberté et de l’autonomie du salarié.

L’étude de la Dares établit en effet qu’avec un accroissement des normes (de sécurité comme de production) et la montée des standards souvent imposés, l’autonomie et les marges de manœuvre des salariés pour atteindre les objectifs tendent à se réduire sérieusement depuis 1998.

« Les salariés sont de moins en moins nombreux à choisir eux-mêmes la façon d’atteindre les objectifs fixés et à ne pas avoir de délais ou à pouvoir faire varier les délais fixés »  selon l’étude.  Alors que l’on ne cesse de parler de robotisation et d’automatisation des tâches, 43% des salariés déclarent répéter continuellement une même série de gestes ou d’opérations. Presque un salarié sur deux, cette statistique est en forte hausse depuis 2005 où elle n’était que de 27%.

Il convient donc de rester à l’écoute des salariés. « Le travail devient plus exigeant, il demande plus de vigilance et est plus morcelé », indique Maryline Becque, coauteur de l’étude. « La tendance lourde est à la standardisation des tâches, y compris celles des cadres ».

Ces données et tendance doivent être prise en compte par les CHSCT/CSE, régulièrement, et mettre en place des observatoire locaux, dans les entreprises, de ces caractéristiques particulière d’évolution des conditions de travail. A travers cette démarche, le CHSCT/CSE doit concourir à améliorer les conditions de travail, à prévenir les risques professionnels, à protéger la santé des salariés.

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Temps partiel thérapeutique : une avancée portée par la CFDT

Publié le 25/05/2018
Par CFDT-Fonctions publiques

La circulaire du 15 mai 2018 relative au temps partiel pour raison thérapeutique dans la fonction publique vient d’être publiée.

 

Dans le cadre de la concertation qui a débouché sur l’ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d’activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique, la CFDT portait un certain nombre de revendications, notamment autour de la simplification de l’accès au temps partiel thérapeutique.

Cette circulaire, commune aux trois versants de la Fonction publique, intègre plusieurs annexes dont un modèle de demande de temps partiel thérapeutique incluant le certificat médical du médecin traitant et du médecin agréé et une synthèse de la procédure d’octroi et de renouvellement du temps partiel thérapeutique.

https://uffa.cfdt.fr/upload/docs/application/pdf/2018-05/circulaire_temps_partiel_therapeutique_nor_cpaf1807455c.pdf

La Poste condamnée pour ne pas avoir protégé une salariée du harcèlement sexuel et moral de son chef

Le conseil de prud’hommes de Paris a condamné, jeudi, l’entreprise à verser 126 000 euros à l’une de ses employées de Colisposte.

LE MONDE | • Mis à jour le |

Par Francine Aizicovici

Logo de La Poste.
Logo de La Poste. Charles Platiau / Reuters

La Poste a été condamnée, jeudi 17 mai, par le conseil de prud’hommes de Paris, à verser plus de 126 000 euros à une de ses salariées pour ne pas l’avoir protégée du harcèlement moral et sexuel par son supérieur hiérarchique durant près de quatorze années. Dans cette somme sont inclus des dommages et intérêts pour harcèlement sexuel (30 000 euros) ainsi que pour harcèlement moral (25 000 euros), pour manquement de l’employeur à son obligation de préserver la sécurité du personnel (10 000 euros), et pour licenciement nul (35 000 euros). La jeune femme, qui travaillait sur le site de Coliposte de Val-de-Reuil (Eure) avait en outre demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail, qui lui a été accordée, « aux torts de l’employeur ». On ne connaît pas pour le moment les motivations de ce jugement, celui-ci ne sera disponible que dans quelques jours.

En arrêt maladie depuis 2015 pour « dépression réactionnelle par stress au travail », Emmanuelle E., 36 ans, qui a tenté deux fois de se suicider, savoure cette « grosse victoire. La justice me reconnaît enfin en tant que victime. Au travail, on m’avait rabaissée, enlevé ma dignité, le tribunal me l’a rendue ». Dès son embauche, à 19 ans, en 2001, dans ce qui est son premier emploi, cet homme, raconte-t-elle, lui a fait subir des gestes déplacés, des agressions sexuelles et deux tentatives de viol. Tétanisée, sans soutien de ses collègues, craignant de perdre son emploi, elle ne révélera sa situation qu’en mars 2015 au syndicat SUD-PTT qui alerte la direction.

Lire aussi :   Harcèlement : La Poste reconnaît le statut de victime à une employée

« La Poste traite le sujet du harcèlement sexuel avec la plus grande attention, souligne l’entreprise. La question de l’égalité professionnelle et, en particulier, celle de la prévention des violences faites aux femmes constitue une priorité pour La Poste. Lorsqu’une personne se plaint, ou qu’elle a connaissance de faits, La Poste ouvre une enquête interne. C’est ce qui a été fait pour [cette salariée] dès que La Poste a été informée de sa situation (…). A l’issue de ce protocole, la personne mise en cause a été immédiatement suspendue et une procédure disciplinaire a été engagée. » Procédure qui n’a pas abouti, l’intéressé ayant été autorisé à prendre sa retraite en novembre 2017, avant la tenue du conseil de discipline.

« Des affaires de cette sorte sont vite étouffées »

La Poste, qui avait, lors de l’audience le 9 mars 2018, opéré une volte-face de dernière minute dans son argumentation, en reconnaissant finalement les faits tout en estimant qu’ils étaient prescrits, indique qu’elle « ne commente pas une décision de justice ». « L’entreprise a reconnu que ma cliente a vécu un calvaire pendant des années, estime Maude Beckers, l’avocate d’Emmanuelle E.. J’ose espérer qu’elle ne va pas lui faire vivre à nouveau un calvaire en faisant appel. Elle doit tirer les conclusions de ce jugement et la protéger. » Ce jugement « va enfin permettre à Emmanuelle de se reconstruire, estime le syndicat SUD-PTT. Pour cela, il est nécessaire que La Poste ne fasse pas appel (…) .M. Desjacques, le nouveau DRH, chantre du management bienveillant, est maintenant devant ses responsabilités. S’il veut conserver de la crédibilité, il doit siffler la fin de ce dossier et se conformer au présent jugement. »

Lire aussi :   Sondage : une femme sur trois victime d’une forme de harcèlement sexuel pendant sa carrière

Demandé par Emmanuelle E., l’affichage de cette décision est ordonné par le conseil de prud’hommes « dans les entités de La Poste ». « Des affaires de cette sorte sont vite étouffées, déplore-t-elle. Peut-être que ce jugement aidera d’autres victimes » à parler.

Autre bonne nouvelle pour la jeune femme : ce jeudi 18 mai, la police la convoque au sujet de sa plainte au pénal pour harcèlement sexuel contre son agresseur, déposée en 2016, pour la période échappant à la prescription. « J’espère que La Poste me rejoindra sur cette plainte, souligne Emmanuelle E.. Elle a une chance de se racheter, qu’elle la saisisse. »

Son avenir à elle ? « Je dois d’abord faire le deuil de cette entreprise. » Ensuite, elle voudrait se reconvertir « dans le droit ou les ressources humaines pour lutter contre le harcèlement sexuel ».

En savoir plus sur https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/05/17/la-poste-condamnee-pour-ne-pas-avoir-protege-une-salariee-du-harcelement-sexuel-et-moral-de-son-chef_5300678_3234.html#yZkkZD8og231ruJF.99

Le défi de la protection des lanceurs d’alerte

Publié le 15/05/2018
Par Claire Nillus et Didier Blain

La CFDT est en première ligne pour protéger ceux qui dénoncent des dysfonctionnements dans leur entreprise ou leur administration. Un combat syndical que met en lumière un ouvrage de la CFDT-Cadres qui vient de paraître.

OserLAlerteCouvProthèses PIP, scandale du Mediator, affaire Luxleaks… Ces révélations au retentissement médiatique international ont fait entrer les lanceurs d’alerte dans le débat public. Moins connus sont ceux qui, quotidiennement exposés à des dilemmes éthiques au sein de leur entreprise ou leur administration, osent dénoncer l’inacceptable, refusent de jouer avec les contraintes, les contradictions et les règles de sécurité. En 2017, la CFDT-Cadres a lancé un appel à témoignages pour recueillir la parole de ceux qui ont franchi le pas de lancer l’alerte. Premier constat : ils ont tous eu de graves soucis. Deuxième constat : ils étaient généralement isolés. Jean-Paul Bouchet, ancien secrétaire général de la CFDT-Cadres, et Marie-Noëlle Auberger, ancienne secrétaire nationale de la CFDT-Cadres, se sont intéressés à ces « alerteurs du quotidien » auxquels ils donnent la parole dans un livre événement : Oser l’alerte ! Sortir du silence au travail ?

 Syndiquer l’alerte 

• La mise en place du dispositif d’alerte est un sujet de négociation dont les équipes syndicales peuvent s’emparer (le décret du 19 avril 2017 fait obligation à toutes les entreprises d’au moins 50 salariés et dans toutes les administrations nationales, régionales et les communes de plus de 10 000 habitants de mettre en place une procédure de recueil des alertes, au 1er janvier 2018, par décision unilatérale, accord collectif, etc.).

• Avant tout « passage à l’acte », il faut procéder à un examen minutieux de l’objet de l’alerte pour trouver la procédure adéquate, vérifier si elle entre bien dans la définition de la loi Sapin 2 ou est éligible aux alertes prévues dans le code du travail.

• Pour sortir du rapport de forces inégal avec sa hiérarchie, il est conseillé de se rapprocher du représentant du personnel, de faire jouer la complémentarité des dispositifs et des expertises : avocat, défenseur des droits, associations de lutte contre la corruption ou pour la défense de l’environnement, médias.

• La règle d’or : ne jamais rester seul ! 

TOUS TEMOIN

« C’est un outil indispensable que nous voulons diffuser le plus largement possible pour susciter des débats dans l’organisation, explique la secrétaire nationale de la CFDT, Marylise Léon. La question de l’exemplarité est inscrite dans la prochaine résolution du congrès de Rennes. Et le sujet revient régulièrement de façon préoccupante dans l’actualité, comme en ce moment avec la proposition de loi secret des affaires » (lire SH n°3637 du 26 avril 2018, p.6).

Convaincus qu’en matière de lutte contre la corruption, « toute tricherie peut faire l’objet d’une alerte », les auteurs souhaitent que cet ouvrage aide à libérer la parole des travailleurs. « Qu’ils soient salariés, fonctionnaires, contractuels, sous-traitants, bénévoles, tous peuvent être témoins de discriminations, d’actes illégaux, d’un management brutal, de malversations à la petite semaine ou de grande ampleur, d’atteintes à l’environnement, de décisions contraires à l’intérêt général, à l’intérêt social de l’entreprise, écrivent-ils. Bien souvent, au titre de leur responsabilité professionnelle, ils se mettent en danger ».

Sapin 2 : peut mieux faire !

La France a longtemps accusé un certain retard en matière de protection des lanceurs d’alerte. Une sorte de « tolérance à la corruption ordinaire », comme le signale Nicole-Marie Meyer, responsable Alerte éthique de Transparency International France. Avec diverses ONG, la CFDT s’est battue pour que la loi Sapin 2 de décembre 2016 pour la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique crée un véritable statut pour les lanceurs d’alerte. En vigueur depuis le 1er janvier 2018, la loi les protège contre toute discrimination, un licenciement, des représailles ou sanctions, et prévoit un soutien financier. Elle oblige les entreprises de plus de 50 salariés à mettre en place un dispositif de recueil des signalements et une procédure d’alerte en plusieurs étapes. Malheureusement, ce texte important ne donne pas entièrement satisfaction à la CFDT : la procédure à suivre est complexe et privilégie, dans un premier temps, le traitement interne de l’alerte. La loi ne donne pas de rôle aux organisations syndicales dans le recueil des alertes et le choix d’un référent en la matière est laissé au bon vouloir de l’employeur. « À l’épreuve des faits, le respect de la procédure Sapin 2 est difficile et semé d’embûches. Se lancer seul dans cette démarche peut s’avérer fatal pour le salarié ! », met en garde Franca Salis-Madinier, secrétaire nationale à la CFDT-Cadres et membre du comité économique social européen. « Lorsque la corruption est institutionnalisée dans l’entreprise, il est impossible d’alerter en interne », souligne Marie-Noëlle Auberger.

Comme beaucoup d’autres qui témoignent dans le livre, Jacques Poirier, ingénieur assurance qualité dans un grand laboratoire pharmaceutique (Sanofi-Aventis), l’a appris à ses dépens. Son entreprise fabrique un médicament anticoagulant à base de boyaux pur porc. Cette matière première est importée d’un pays où les normes sanitaires sont moins strictes qu’en France. Jacques constate des irrégularités dans la chaîne d’approvisionnement qui lui laissent penser que des ingrédients d’origine bovine rentrent dans le circuit. Il alerte sa hiérarchie. Bien reçus dans un premier temps, ses avertissements irritent de plus en plus les responsables qualité : mis à l’écart puis licencié à 51 ans, il n’a jamais retrouvé un emploi similaire.

Victime de harcèlement moral pour avoir dénoncé des pratiques de favoritisme dans la passation de marchés publics commises par son supérieur, Stéphane (qui souhaite rester anonyme) est venu frapper à la porte de la CFDT. Son premier contact avec une organisation syndicale. « Notre affichage en faveur d’un dialogue constructif lui semblait le plus adapté. Il ne voulait pas d’un conflit dur avec la direction, explique le délégué syndical de cette société. Nous l’avons accompagné dans toutes ses démarches. Nous lui avons également conseillé d’adhérer afin de se faire élire aux élections professionnelles qui se présentaient. C’est ce qu’il a fait et il a été élu. Aujourd’hui, rien n’est encore résolu, c’est très long, très éprouvant pour lui, mais le processus d’alerte est en cours et il est protégé. »

Une maison des lanceurs d’alerte

Jean-Paul Bouchet le souligne : il n’existe pas de démarche type de prise en charge d’une alerte mais des règles de prudence. Il est capital de trouver les bons appuis au bon moment. Parmi ceux-ci, le recours à des représentants syndicaux peut permettre de mieux « syndiquer l’alerte », c’est-à-dire l’inscrire dans une démarche collective (lire l’encadré). Pour aider les salariés à franchir le pas, la CFDT-Cadres propose, depuis dix ans, le service DilemPro : une démarche de questionnement proposée à tous les cadres et une aide personnelle au discernement pour les adhérents. « Dans tous les entretiens que nous avons avec de potentiels adhérents, les cadres veulent savoir comment exercer leurs responsabilités sans mettre en péril leur carrière », renchérit Vincent Pigache, secrétaire de l’Union départementale 92. En partenariat avec l’Observatoire des cadres, l’UD accueille un cycle de rencontres à la Défense : celle du 17 mai portera sur le thème « De la vigilance à l’alerte, l’exercice de la responsabilité en entreprise ». Prochain défi pour la CFDT : voir aboutir la création d’une Maison des lanceurs d’alerte, projet en gestation depuis 2014 avec des ONG et d’autres organisations syndicales. Un lieu pour que les personnes qui osent l’alerte puissent trouver refuge et appui ? Les salariés en ont besoin, les entreprises et la société aussi.

cnillus@cfdt.fr

Un projet de directive européenne insatisfaisant 

La Commission européenne a adopté fin avril un projet de directive visant à protéger les lanceurs d’alerte dans toute l’Union européenne. De nombreux cas de violation des règles européennes seraient concernés : les appels d’offre, la sécurité alimentaire, la protection de l’environnement, la sécurité nucléaire, la protection des données privées, les services financiers, le blanchiment de l’argent et le terrorisme. Mais plusieurs organisations de la société civile estiment que le projet ne va pas assez loin. Ainsi, les lanceurs d’alerte sur l’évasion fiscale ou les infractions au détachement des travailleurs ne seraient pas protégés. La Confédération européenne des syndicats (CES) trouve « ridicule » qu’un employé « puisse dénoncer une maltraitance animale ou une atteinte à l’environnement mais pas un préjudice subi par des travailleurs ». Elle estime le champ d’application du projet de directive « tellement compliqué que (…) les travailleurs lanceurs d’alerte pourraient facilement se retrouver en dehors des dispositions légales ». La CES promet de suivre de près ce texte ; « elle réclamera des aménagements pour en combler les lacunes et éviter l’introduction de nouvelles failles. »

dblain@cfdt.fr 

Égalité femmes-hommes : Un premier pas vers l’égalité salariale

Publié le 16/05/2018
Par Marie-Nadine Eltchaninoff

 

La concertation sur l’égalité professionnelle a permis d’affiner les mesures visant à réduire les écarts de salaire et à mieux lutter contre les violences sexistes et sexuelles au travail.

 

La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, et la secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, ont présenté le 9 mai quinze mesures issues de la concertation sur l’égalité professionnelle et la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Peu de différences sont à relever entre le plan d’action final et le document d’orientation qui a guidé la concertation et dont le contenu reprenait en grande partie les préconisations des organisations syndicales. Les six séances de la concertation ont néanmoins permis de préciser et d’enrichir ces propositions, et surtout d’en défendre la substance face à un patronat souvent réticent. « Il a fallu convaincre les organisations patronales, très opposées à l’idée d’obligations supplémentaires, même sur un sujet aussi consensuel que la lutte contre les violences », indique Dominique Marchal, secrétaire confédérale chargée de l’Égalité professionnelle, qui a participé à la concertation.

Sur le plan de l’égalité salariale, Muriel Pénicaud a confirmé l’obligation pour les entreprises de mesurer les écarts salariaux et d’y remédier dans un délai de trois ans, avec l’ambition déclarée de venir à bout des 9% d’écart « inexplicables et inexpliqués », la différence globale étant de 25% en moins pour les femmes. Les entreprises devront mettre en place un dispositif d’évaluation des inégalités d’ici au 1er janvier 2019 pour les entreprises de plus de 250 salariés, et au 1er janvier 2020 pour les entreprises de 20 à 250 salariés. Plusieurs outils sont envisagés afin de documenter les différences de rémunération : un logiciel intégré au logiciel de paie, des indicateurs spécifiques ou l’utilisation de la déclaration sociale nominative. Le gouvernement a confié à Sylvie Leyre, DRH de Schneider, la mission de proposer des solutions d’ici le mois de juin, sur la base d’un cahier des charges élaboré par les partenaires sociaux. Une phase de test dans les entreprises débutera en septembre. « L’annonce du lancement d’une mission pour définir une méthodologie de calcul des écarts salariaux inexpliqués est un premier pas », salue la CFDT dans un communiqué, précisant toutefois que « l’accent mis sur les seuls écarts inexpliqués ne doit pas être un prétexte pour l’entreprise de ne pas agir sur tous les écarts salariaux ». Pour une plus grande transparence, les entreprises auront l’obligation de publier sur leur site les écarts salariaux constatés. Elles devront négocier une enveloppe salariale de rattrapage dans le cadre de la négociation qualité de vie au travail et égalité professionnelle et se mettre en conformité dans un délai de trois ans. Le ministère compte multiplier par quatre le nombre de contrôles réalisés par l’inspection du travail en matière d’égalité professionnelle afin de repérer les entreprises qui ne jouent pas le jeu et s’exposeraient alors à une pénalité de 1% de la masse salariale.

Un référent formé aux questions des violences sexistes et sexuelles

La concertation a également porté ses fruits sur le volet de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Un référent formé à ces problématiques sera identifié parmi les élus du conseil social et économique et, pour les entreprises de plus de 250 salariés, dans les services de ressources humaines. L’affichage des voies de recours possibles (inspection du travail, défenseur des droits, médecin du travail) sera obligatoire. « Pour être effectives, ces mesures doivent s’accompagner de la mise en place d’une procédure simple, claire et connue de tous dans l’ensemble des entreprises », précise Dominique Marchal, qui regrette l’absence de ce point crucial dans le plan d’action présenté. La formation systématique des inspecteurs du travail, des professionnels de la santé au travail, des élus, des délégués syndicaux et des conseillers prud’homaux est également à l’ordre du jour. « Rien n’est dit sur la formation des managers, et pourtant, le rôle de la hiérarchie intermédiaire dans la prévention des violences et du sexisme est primordial », regrette Dominique Marchal. Les salariés des TPE ne sont pas oubliés. Les représentants des salariés des entreprises de moins de 11 salariés se voient confier un rôle de prévention via les commissions paritaires interrégionales – « un nouveau droit important pour les salariés », se réjouit la CFDT. La plupart des mesures présentées seront intégrées sous forme d’amendements au projet de loi « avenir professionnel », dont l’examen à l’Assemblée doit débuter à la fin du mois de mai.

mneltchaninoff@cfdt.fr 

Le temps partagé : un succès grandissant

Les clés du social

mercredi 23 mai 2018

Cette forme d’emploi, apparue il y a une trentaine d’années, se répand dans toute la France. Cela concernerait plus de 430 000 personnes, exerçant sous des statuts variés. Cette forme d’emploi innovante soit répond à une certaine forme de flexibilité et de liberté soit est un mode de sortie du chômage. Dans le cadre d’un projet d’étude collectif, la promotion IGS-RH5 a effectué un travail de recherche par une enquête nationale sur les avantages et les limites du travail partagé.

 

Qu’est-ce qu’un temps partagé pour une entreprise ou pour un particulier ?

  • Une entreprise de travail à temps partagé (ETTP) est une entreprise dont l’activité exclusive consiste à mettre à disposition d’entreprises clientes du personnel qualifié, des conseils en matière de gestion et de formation.
  • Un particulier qui travaille dans plusieurs entreprises avec la possibilité d’avoir plusieurs statuts.

Ne pas confondre avec les pluri-employeurs ou le pluri-professions (Voir Clés du social – Les pluriactifs : quels sont leurs profils et leurs durées de travail ? [1]).

Méthodologie de l’enquête, réalisée du 15 octobre 2014 au 15 avril 2015, avec deux approches combinées :

  • -1- Une approche qualitative par 23 entretiens pour des personnes de 24 à 64 ans, avec un équilibre entre hommes et femmes, habitant des régions géographiques différentes, ayant des fonctions multiples comme employé, expert, manager, chef de projet…et exerçant plusieurs formes de travail en temps partagé (professionnels indépendants, personnes en portage salarial, salariés multi-employeurs).
  • -2- Une approche quantitative avec deux questionnaires. L’un à destination des personnes qui travaillent que ce soit en temps partagé ou pas, diffusé par l’IGS-RH et le Portail du Temps Partagé (763 réponses). Le second à destination des employeurs (ETTP) susceptibles de recruter des personnes en temps partagé, diffusé par l’ANDRH et la CGPME (161 réponses). Les deux questionnaires ont été mis en ligne pendant trois semaines.

L’analyse de l’enquête a permis d’infirmer deux hypothèses :

  • -1- hypothèse : « Il y a plus de femmes que d’hommes en temps partagé ». Lors des entretiens, les interviewés déclaraient « le temps partagé convient plus aux femmes. Il y a les enfants qu’il faut gérer ». Or, l’analyse de l’enquête nous montre que ce sont les hommes qui ont le plus recours au temps partagé.
  • -2- hypothèse : « Le choix du temps partagé est fondé sur la volonté de concilier vie professionnelle et vie personnelle ».

L’enquête nous démontre que ce choix est d’abord lié à la possibilité d’exercer un métier qui passionne :

  • « C’était une vraie envie pour moi de faire le temps partagé. Je suis un peu tombé amoureux de ce dispositif » ;
  • « Le temps partagé, c’est une forme de liberté. Je négocie avec moi-même ;
  • « Le plus gros avantage du temps partagé c’est qu’on a une liberté d’entreprendre, de pouvoir travailler sur des sujets que je choisis ».

La proportion de salariés en temps partagé selon l’âge : 46 % de salariés en temps partagé ont entre 40 et 49 ans. L’utilisation du temps partagé devient de plus en plus significative dès que les personnes atteignent la tranche d’âge 40-49 ans. « Je me suis rendu compte qu’arrivés dans la cinquantaine les salariés commençaient à rencontrer des difficultés dans l’entreprise et moi j’avais plutôt envie d’anticiper ces difficultés plutôt que de les subir. Maintenant je pense que ce choix était le bon » « La vie que j’ai aujourd’hui serait incompatible avec le fait d’avoir des enfants ».

Présence d’un élément important dans la carrière des personnes à temps partagé : 77 % des personnes en temps partagé déclarent avoir vécu un événement important dans leur carrière. Cette proportion est beaucoup plus faible chez les personnes qui ne sont pas à temps partagé. Sont le plus souvent cités des événements liés à une rupture avec l’entreprise, comme un licenciement ou un conflit avec son entreprise ou son manager. 33 % des répondants travaillant en temps partagé ont 2 enfants. 18 % des répondants travaillant en temps partagé ont 3 enfants ou plus. Dans l’échantillon, les parents d’un enfant ou de trois enfants ou plus sont surreprésentés au sein des salariés en temps partagé.

La proportion de salariés en temps partagé suivant la zone géographique : 67 % des salariés en temps partagé sont situés en région contre 33 % en Île de France. Cela est sans doute dû au fait qu’en Île de France le bassin d’emploi est plus important qu’en régions. Dans l’échantillon, la proportion en faveur de la province est moins forte au sein des personnes qui ne sont pas en temps partagé.

Le second questionnaire concerne les employeurs susceptibles de recruter des professionnels en temps partagé. La population de répondants est représentée par une majorité de personnes appartenant à l’ANDRH venant d’entreprises variées (petites, moyennes et grandes entreprises) et cette population occupe pour plus de 45 % un poste de DRH. Les différents cas de recours au temps partagé : 44 % des entreprises interrogées déclarent avoir recours au temps partagé pour recruter des cadres. 14 % des entreprises qui utilisent le temps partagé s’en servent pour le management de projet tandis que 11 % y ont recours pour le management d’équipe.

Les bénéfices pour les entreprises de recruter des personnes à temps partagé. Ce sont surtout : un apport de compétences pour 38 %. Avoir l’intervention d’un professionnel en fonction des fluctuations de l’activité de l’entreprise pour 29 %. La possibilité de travailler avec des professionnels qu’ils n’auraient pas pu recruter pour 25 %.

Temps partagé et employabilité : Il ressort du questionnaire que les personnes qui exercent une activité à temps partagé se sentent tout aussi employables et sont plus satisfaits de leur vie professionnelle que les personnes ne travaillant pas en temps partagé. « Je trouve que cela m’a ouvert d’autres portes, un univers qui m’est étranger ».

Les personnes interviewées mettent en avant le fait que le temps partagé permet une forme de flexibilité et de liberté. Il permet de s’adapter aux changements du monde du travail et d’assurer une certaine transition professionnelle. « Il faut être vraiment caméléon. Clairement, aujourd’hui je suis en costume ; demain je vais dans une entreprise de BTP, si j’y vais en costume on va me prendre pour un huissier, je vais donc être en jeans et chaussures de chantier. ». « J’ai ces deux ou trois casquettes. Il faut vraiment être acrobate, sauter du coq à l’âne en permanence ».

Pour David Bibard, fondateur du Portail du temps partagé :

« Selon la troisième édition de notre baromètre annuel, 93 % des professionnels exerçant leur activité à temps partagé se disent satisfaits de leur situation et souhaitent conserver ce mode d’organisation. Parmi les répondants, 33 % apprécient la diversité des missions, 25 % l’autonomie et 23 %, l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle ».


Références

Ce projet en quelques chiffres, c’est 36 étudiants, 23 personnes en temps partagé interviewées, 2 questionnaires réalisés. 6 mois d’études, de recherches, de doutes, de bonheur et de fierté :

Déclaration des événements indésirables : la HAS compte sur les professionnels

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Mis à jour le 23.05.2018

 

Parce qu’il met en jeu comportements humains, organisation complexe de soins et fragilité du patient, le domaine de la santé comporte des risques. La Haute Autorité de Santé (HAS) rappelle ainsi l’importance cruciale de faire remonter les informations dans ce domaine. En effet, un événement indésirable non signalé et non analysé ne peut être corrigé de façon adéquate, rappelle-t-elle, et met en péril la sécurité des patients.

infirmiers urgences
« Les causes de survenue d’un événement indésirable sont multifactorielles et non pas le fait d’une seule personne ».

La gestion des risques associés aux soins est une condition de l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins au bénéfice du patient. C’est ce que rappelle régulièrement la Haute Autorité de Santé. Certains événements indésirables ne sont pas remontés par les professionnels, souvent par peur d’être montrés du doigt. Or cette non-communication d’information empêche toute correction. Un événement indésirable non signalé et non analysé ne peut être corrigé de façon adéquate. En conséquence, il risque de se reproduire régulièrement, détaille la HAS.

De l’efficacité d’une approche non punitive

Les causes de survenue d’un événement indésirable sont multifactorielles et non pas le fait d’une seule personne : un soin mobilise une chaîne d’intervenants qui doivent communiquer et se coordonner, implique une succession de tâches à accomplir et d’interactions avec le patient, souligne la HAS, rappelant que la culture punitive et la recherche d’un coupable sont inefficaces.

Pour la Haute Autorité de Santé, seule la remontée de ces informations, qui repose de fait sur l’ensemble des professionnels, permet d’y faire face et d’éviter qu’ils ne se reproduisent. Comprendre les causes profondes des événements qui sont survenus est l’unique moyen d’éviter qu’ils ne se reproduisent. Cela nécessite un engagement des professionnels de santé qui doivent déclarer les événements indésirables, les analyser collectivement, cartographier les risques et rechercher des actions correctrices. Différents dispositifs déployés ou promus par la HAS tendent à faciliter les choses : l’accréditation des médecins des spécialités à risque, la certification des établissements de santé mais également des programmes spécifiques comme les revues de morbi-mortalité, le travail en équipe, ou encore la simulation en santé.

La HAS incite fortement les équipes de terrain à poursuivre leur mobilisation et leur engagement au quotidien sans laisser l’instrumentalisation de la culture de la traçabilité l’emporter sur l’intérêt des malades.

238 dossiers en cours d’analyse

Enfin, la HAS s’est vue récemment confier une mission d’analyse des événements indésirables graves dont la déclaration est obligatoire pour les professionnels de santé, quel que soit leur mode d’exercice. Elle a ainsi recueilli, pour l’année 2017, 238 dossiers anonymisés. Elle doit à présent – avec l’aide d’un groupe d’experts – analyser ces événements pour en tirer des enseignements et envisager des pistes d’amélioration dans un rapport à paraître à la rentrée.

La rédaction d’Infirmiers.com

 

Les soignants à bout, la qualité des soins en berne

Ce système de santé s’autodétruira dans…

La qualité des soins en chute libre, les soignants s’engagent toujours plus pour pallier cette dégradation. Résultat : la situation devient intenable ! Tel est le constat de cette nouvelle enquête réalisée auprès de plus de 2000 professionnels de santé dont la majorité était des infirmiers. Ceux-ci jugent aujourd’hui la qualité des soins « très moyenne » et sont « pessimistes » quant à son évolution…

maison qui brûle
La qualité des soins est en chute libre, les soignants en payent le prix !

Mention tout juste passable ! Les médecins et les infirmiers en exercice jugent que la qualité des soins en France mérite à peine la moyenne alors que notre système de santé est considéré comme un des meilleurs du monde. C’est ce que révèle une enquête en ligne réalisée par 360 médics en partenariat avec Egora. Elle démontre notamment une dégradation importante du système de soins sur ces cinq dernières années.

En effet, 2697 professionnels de santé ont complété le sondage mis en ligne du 12 au 30 avril 2018. En totalité, les réponses de 951 médecins (44%) ou étudiants en médecine et 1217 infirmiers (56%) ou étudiants en soins infirmiers (encadré ci-dessous) ont été conservées pour analyse. Parmi les infirmiers, une petite majorité était salariée à l’hôpital. De manière générale, les données ont été pondérées selon le métier exercé et le mode d’exercice. Ainsi, la note des infirmiers en exercice représente 72,23% de la note finale.

L’autodestruction du système santé est en cours

La qualité des soins : une baisse drastique depuis 5 ans

La perception de la qualité des soins par les professionnels de santé est au plus bas : les infirmiers en exercice délivrent la faible note de 5,11/10. Pour les paramédicaux salariés non hospitaliers, celle-ci bascule même en dessous de la moyenne avec 4,87/10. Pour comparaison, les praticiens sont à peine plus cléments avec une note de 6,31/10. Ce jugement sévère pourrait avoir une moindre signification si le sentiment de dégradation n’était pas aussi important sur ces cinq dernières années. En effet, 88 % des professionnels de santé (77% des médecins et 92% des infirmiers en exercice) pointent du doigt une déliquescence du système de soins.

Ce sentiment est d’autant plus fort pour le personnel hospitalier (64% des infirmiers de la fonction publique contre 55% des libéraux). Le constat est particulièrement affligeant en Bretagne, sans doute parce que c’est une zone engagée dans ce domaine. En effet, plus les professionnels sont engagés plus leur jugement est sévère.

De plus en plus de contraintes et de moins en moins de temps

Le principal facteur impactant est, sans surprise, la surcharge de travail qui pèse sur les soignants. Les salariés non hospitaliers sont les premiers à demander davantage de personnel. Alors que d’après le rapport de la Direction Générale de l’Offre de Soins (DGOS) il n’y aurait jamais eu autant de soignants ! Mais la vérité c’est que l’on n’a jamais eu non plus autant de patients âgés et pluripathologiques qui nécessitent une prise en charge complexe, explique le Dr Grégoire Pigné, président de 360 médics. Ensuite, ce sont les contraintes administratives imposées (comme le tiers payant) qui sont citées comme élément déclencheur, juste avant le manque de moyens financiers.

Si on regarde à présent à l’échelle de l’individu : même constat. Les conditions matérielles sont considérées comme la cause principale de la dégradation de la qualité des soins notamment pour les infirmiers exerçant à l’hôpital. Le moral et le mal-être est le second facteur signalé. Le malaise semble plus présent chez les paramédicaux qui semblent faire face à une pression accrue. Ils ont le sentiment d’une perte d’accomplissement professionnel, suggère le praticien en mettant en lien l’enquête menée en novembre sur les professionnels de santé montrant un réel épuisement moral comme physique chez la totalité des répondants (47% avaient été touchés par un burn out et 53% reconnaissaient que leur état avait des répercussions sur leur capacités au travail).

Les soignants s’engagent davantage pour pallier cette dégradation

Le désir de bien faire toujours présent

Malgré la situation, les soignants restent très engagés. Par exemple, ils sont 96% à participer activement à transmettre de manière qualitative les informations aux patients. De même, les professionnels tiennent à être à jour sur leurs connaissances. Un infirmier sur deux se tient informé de l’actualité spécialisée de manière au minimum hebdomadaire (contre 8 médecins sur 10). Mieux encore, 20% des infirmiers libéraux le font de façon quotidienne.

Au niveau individuel, cet engagement est encore plus visible, et ce quel que soit leur mode d’exercice. Seuls 14% des infirmiers admettent être démotivés et faire preuve de moins d’engagement personnel. Au contraire, ils sont même encore plus présents afin de pallier la baisse de qualité des soins : 79% ont déclaré redoubler d’efforts dans ce sens.

En outre, pour améliorer les soins, les professionnels de santé tentent de mettre en place des stratégies. Par exemple, 7/10 ont recours à divers outils pour s’aider dans la pratique quotidienne. Les bases de données médicamenteuses et les messageries sécurisées de santé figurent parmi les outils les plus sollicités y compris par les infirmiers. Les délégations de tâches peuvent être l’une des raisons.

On remarque donc un important investissement personnel pour optimiser la qualité des soins de la part de tous les soignant. Mais faute de personnel, ceux-ci sont au bord de l’épuisement. L’autodestruction de notre système de santé est en cours. Il faut faire des économies, or, ce qui coûte le plus cher c’est la main d’œuvre, donc les soignants, souligne le Dr Pigné. Pourtant, la richesse de notre système demeure dans ses professionnels qualifiés ! Pour le praticien, pour enrayer le phénomène, il faut se recentrer sur l’essentiel : les soignants. Le système de soins a été conçu pour servir les professionnels de santé, mais aujourd’hui, au lieu de cela, il leur impose de plus en plus de contraintes. Il préconise également de faire en sorte que ces filières attirent toujours les meilleurs. Dans le même registre, il serait préférable qu’il n’y ait pas d’intermédiaire entre les soignants et les patients. Le professionnel ne travaille plus pour son patient mais pour le réseau de soins. Pour lui, le réseau de soin peut par conséquent imposer des décisions au professionnel de santé, probablement les moins coûteuses mais pas forcément les meilleures pour le patient.

Les étudiants en soins infirmiers sont conscients des problèmes

Parmi les infirmiers questionnés 21% étaient encore étudiants. Toutefois, il se rendent parfaitement compte de la gravité de la situation. Leur note sur la qualité des soins est quasi-identique à celle des infirmiers en exercice (5,28/10 contre 5,11/10). Ils sont 82% à confirmer une dégradation significative et la même proportion pense que cela nécessite un engagement personnel plus important.  A l’échelle individuelle, les facteurs impactant la qualité des soins qui sont cités sont les mêmes que pour les soignants en exercice. En revanche, au niveau global, ils estiment que le mal-être des professionnels de santé et le manque de moyens financiers est plus dommageable que les contraintes administratives. Fait remarquable : ils sont 41% à se sentir très engagés dans une formation diplômante, ce qui n’était pas le cas pour les infirmiers en exercice.

Roxane Curtet Journaliste infirmiers.com roxane.curtet@infirmiers.com  @roxane0706

CHU de Tours : « On ne doit pas dire ce qui se passe à l’hôpital »

Les agents grévistes n’ont plus le droit d’afficher leurs revendications devant les patients.
Les agents grévistes n’ont plus le droit d’afficher leurs revendications devant les patients.
© (Photo archives NR)

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Tandis que les mouvements de grève contre les restructurations se multiplient au CHU de Tours, Sud Santé dénonce « l’omerta » imposée par la direction.

Validé il y a tout juste un an, le plan de restructuration du CHU de Tours – qui prévoit le regroupement de nombreux services dans un nouveau bâtiment à Trousseau d’ici 2026 – est entré dans une phase active. Souvent dans la douleur.

Depuis le début de l’année, une cinquantaine de lits (et presqu’autant de postes) ont déjà été supprimés à la faveur des mutualisations et réorganisations entraînant des mouvements de grève des personnels concernés. Dernier exemple en date : le service de pneumologie de l’hôpital Bretonneau où huit lits devraient être fermés malgré un taux d’occupation de 96 % et une charge d’activité très importante. « Le plan de la direction ne laisse aucune place à l’imprévu, aux urgences vitales et aux soins palliatifs. Nous avons à faire à une gestion technocratique qui ne tient pas compte de la réalité », déplorent les soignants en grève.
Plainte contre X Dans ce service comme dans la plupart des services du CHU, le dialogue social s’est considérablement durci ces derniers mois. Pour preuve, ce récent courrier de la direction qui rappelle aux grévistes (réquisitionnés) qu’ils n’ont pas le droit d’afficher leurs revendications et leurs états d’âme en présence des patients ou du public. « Le personnel subit des pressions. L’encadrement cherche à culpabiliser les grévistes. La parole des médecins n’est pas prise en compte. On ne doit pas dire ce qui se passe à l’hôpital ; on veut nous imposer une véritable omerta. Tout cela est inacceptable », s’insurge François Baudry, délégué Sud-Santé.

Déjà cet hiver, les syndicats s’étaient offusqués d’une note de la directrice générale du CHU rappelant les agents hospitaliers à leur « obligation de réserve » afin de ne pas nuire à « la considération du service public », au risque d’une sanction disciplinaire.

La chasse aux sorcières serait-elle ouverte ? Récemment, François Baudry a eu la surprise d’être convoqué par la police à la suite d’une plainte contre X pour vol de documents. En l’occurrence, la direction chercherait à savoir par quels biais les conséquences du plan de restructuration du CHU avaient été révélées dans la NR dès le mois de mars 2017, alors que ces informations n’étaient pas encore officielles. L’enquête se poursuit.

Les personnels en grève du CHU iront jeudi 17 mai à la rencontre des Tourangeaux sur la place Jean-Jaurès, de 12 h 30 à 14 h 30.